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Proche-Orient

La Palestine fait son entrée à l’Unesco

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 15 novembre 2011 - 911 mots

PROCHE-ORIENT

La Palestine est devenue, le 31 octobre, le 195e membre de l’Unesco. Cette adhésion lui permettra de proposer l’inscription de sites culturels et naturels sur la Liste du patrimoine mondial. Mais l’organisme des Nations unies devra faire face au gel des contributions financières des États-Unis et d’Israël.

PARIS - Beaucoup ont applaudi, d’autres pas du tout. Le 31 octobre, la Palestine est devenue le 195e membre de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). Sur les 194 États membres, 107 ont voté pour, 14 contre et 52 se sont abstenus. À la surprise générale, la France a émis un vote favorable, alors qu’elle avait annoncé son intention de s’abstenir, à l’instar de l’Italie et de la Grande-Bretagne. Sans surprise, la quasi-totalité des pays arabes se sont prononcés en faveur de cette adhésion, tandis que le rang des opposants comprend les États-Unis, l’Allemagne, le Canada et Israël. La Palestine jouissait jusqu’alors d’un rôle d’observateur permanent et sa demande d’admission remonte à 1989.

Cela fait près de vingt ans que l’Unesco et l’Autorité palestinienne ont constitué un comité mixte de coopération, et ont ouvert notamment un bureau à Ramallah en 1997. Si le travail de l’organisation internationale s’est concentré sur son volet humanitaire et éducatif, la valorisation du patrimoine n’a pas été négligée. En 2002, l’Unesco avait reconnu la valeur exceptionnelle du patrimoine culturel et naturel palestinien, et avait ordonné l’élaboration d’un inventaire détaillant l’état de conservation et les mesures de sauvegarde à prendre. En 2005, l’Autorité palestinienne présentait une version révisée de l’« Inventaire des sites du patrimoine culturel et naturel palestinien d’une possible valeur universelle exceptionnelle », au Comité du patrimoine mondial – l’organe souverain qui décide de l’inscription des sites sur la Liste du patrimoine mondial. À cette occasion, la création d’un « Comité palestinien du patrimoine mondial » avait été officialisée et son secrétariat, chargé de mener à bien les activités en coopération avec le Bureau de l’Unesco à Ramallah. Un personnel a été formé, diverses campagnes de sensibilisation ont été organisées, et les capacités institutionnelles de gestion, renforcées. Plusieurs missions d’évaluation ont été menées : à Naplouse (ville touchée lors d’opérations militaires en 2002), à Hébron (pour son architecture vernaculaire), et sur le site archéologique de Tell Rumeida (à Hébron). Ces sites figurent en bonne place sur ledit « Inventaire », qui recense 17 sites culturels et 3 sites naturels – dont le mont Garizim (lieu saint pour les Samaritains), le site archéologique de Qumrân où furent retrouvés les fameux manuscrits de la mer Morte, ou encore la grotte de Shuqba.

Aujourd’hui, alors que la Palestine est membre à part entière, et qu’elle a signé la Convention du patrimoine, elle pourra présenter deux sites par an en vue d’une inscription sur la Liste du patrimoine mondial. Sans surprise, le site qu’elle entend proposer en 2012, la vieille ville de Bethléem, où se trouve l’église de la Nativité, figure en haut de l’« Inventaire ». Parmi les autres dossiers en cours, le palais d’Hisham (au nord de Jéricho), et la vieille ville d’Hébron. Rappelons que la Liste du patrimoine mondial est l’antichambre de la Liste pour le patrimoine en danger. Concrètement, cette adhésion représente un symbole fort pour la préservation d’un patrimoine régulièrement menacé, et pas seulement par des conflits armés. Mounir Anastas, délégué adjoint à la mission permanente d’observation de la Palestine auprès de l’Unesco, cite en exemple une église byzantine mise au jour à la porte de Jaffa, dans la vieille ville de Jérusalem, dont la mosaïque a été prélevée et la voûte entièrement bétonnée : « Il s’agit là d’un acte qui ne fait pas seulement tort au patrimoine des Palestiniens, mais à celui de l’humanité entière », s’insurge-t-il. Désormais, les archéologues et autres experts palestiniens bénéficieront d’une plateforme officielle pour assurer l’intégrité de leur patrimoine.

Conséquences sévères
Cette adhésion n’a pas été le moteur espéré pour une entrée de la Palestine en tant qu’État à part entière de l’ONU (Organisation des Nations unies). Le 11 novembre, le Conseil n’a pas réussi à transmettre une recommandation unanime au comité des admissions. Mais ses conséquences sont sévères : conformément à deux lois adoptées respectivement en 1990 et 1994, les États-Unis ont retiré leur soutien financier à cette agence de l’ONU qui a accueilli la Palestine en l’absence d’un accord de paix avec Israël. Leur contribution, qui représente 22 % du budget biennal 2012-2013 de l’organisation (653 millions de dollars), a été immédiatement gelée. Leur dernier versement pour l’année 2011 (65 millions de dollars) a été annulé, ainsi que celui destiné aux programmes spéciaux (20 millions de dollars). Pour sa part, Benyamin Nétanyahou a suspendu la participation financière d’Israël (1,5 million de dollars pour 2012-2013), et a annoncé la construction de 2 000 logements, pour la plupart situés dans Jérusalem-Est, ainsi que le gel de transferts de fonds à la Palestine. Le 10 novembre, la secrétaire générale de l’Unesco, Irina Bukova, lançait un fonds d’urgence multidonateurs pour compenser ce déficit en trésorerie et s’est déclarée « prête à réviser l’ensemble de [l’]action [de l’Unesco], [de ses] modalités de fonctionnement, [des] structures au sein du secrétariat ».
Le Gabon, de son côté, a immédiatement fait don de 2 millions de dollars, tandis que l’envoyée spéciale de l’Unesco pour l’éducation de base et l’enseignement supérieur, son Altesse Sheikha Mozah Bint Nasser du Qatar, pourrait réévaluer son soutien aux missions premières de l’Unesco en termes d’éducation et a incité ses partenaires à faire de même (www.unesco.org/donate).

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°357 du 18 novembre 2011, avec le titre suivant : La Palestine fait son entrée à l’Unesco

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